15 janvier 2009

Mon ex-ami Charly.

Vous connaissez les bons amis, ceux à qui on peut tout dire, ceux qui donneront un coup de pouce quand on en aura besoin, ceux qui ne feront pas la tête quand on ne leur rendra pas la pareil parce qu'on est un ami encombrant. Il y a toujours un ami encombrant quelque part, et si on ne trouve pas sa croix c'est qu'on est le parasite ! Mais il y a pire.

L'ami encombrant par excellence, c'est la télévision. Et oui, celui qui s'impose et impose son point de vue sans vraiment demander notre avis. Avec l'âge, on apprend à s'en séparer, et même à le dénigrer. Mais avant cet âge si sage il y a toute une période bercée par la douce musique d'images incohérentes, trash et susurrantes, présentant tantôt un monde merveilleux commenté comme un enterrement, tantôt un carnage artistique. Les enchainements suivant la logique de la télécommande. Et quand la main sur celle-ci appartient à quelqu'un qui n'a même pas dix ans, il y a de quoi finir au sanatorium.

Peut-être qu'un jour, le magnifique court-métrage Mon ami Charly de Julien Duval, Loic Quesada, Rémy Terreaux et Magdalena Wydrzynska de l’Ecole Supérieure des Métiers Artistiques reviendra dans les méandres du net. Mais tout le monde a droit de se rétracter, nous y reviendrons dans un prochain article.

Fini de rêver et de s'astiquer la nouille sans état d'âme, il y a plus encombrant qu'un ami qui a tout d'une sangsue et après on se demande pourquoi on devient geek, sans télé, un vrai ! La télévision abreuve de bêtises, de niaiseries, de magouilles, de violence gratuite, de sexe et même de choses aussi avilissantes qu'un journal télévisé qui tient plus du documentaire campagnard présenté avec un sourire aussi niais que l'outil de communication. Heureusement que pour les adeptes de la passivité face au petit écran, il existe une solution, à condition de s'activer un peu : internet. Un outil adulte, responsable où tout est accessible en quelques gestes qui demandent à peine plus que de zapper. Et pour couronner le tout, on peut choisir sur quoi zapper.

Comparons pour enfoncer le couteau et le remuer dans la plaie déjà infectée.

D'un côté, nous avons Brandon. Il est issu de ce cataclysme des générations qui a voulu que ses parents soient tellement influencés par la télévision de l'époque qu'ils ont choisi ce nom. Il ne faut pas leur en vouloir, ils croyaient bien faire, un peu comme les gens qui ont un blocage. Car la télévision doit être politiquement correcte, on ne dit pas idiot, imbécile, voire con. En tout cas, Brandon perpétue la tradition de la contemplation baveuse.

De l'autre côté, il y a Bill. Il est de la même génération que Brandon, mais au lieu de baver bêtement, il a été élevé dans les nouvelles technologies et a très vite pris part à cette grande révolution qu'est la conquête de la toile libertaire. Il peut même choisir de baver aussi, mais en choisissant en plus sur quoi il va baver.

La journée classique de Brandon n'est pas tellement différente de celle de Bill.
Ses rêves, à part quelques fantasmes sur sa voisine de classe Rachelle, suivent le cours des programmes. Une pincée de naphtaline policière. Ensuite vient le moment de culture, une sorte de journal qui déverse tout ce qu'il peut trouver de touchant dans le monde pour le spectateur qui ne demande rien de plus que d'être choqué pour éveiller les quelques connexions neurales qui lui restent. Puis, un film ou une série à succès, à moins que la télécommande se trouve trop loin pour éviter le documentaire qui se veut culturel. Mais ce n'est pas encore vraiment la fin, il reste la seconde partie de la soirée, celle qui titilles les perversions les moins subtiles, entre la télé-réalité trash et porno qui s'annonce une fois l'heure passée. C'est le moment où la télécommande se trouve toujours à portée de main.

La journée de Bill est très différente sur beaucoup de points, c'est un tout autre monde qu'on explore avec lui et c'est ce qui fait la force du geek actif face au téléphile passif. Il a aussi des rêves, mais il les réalise : au lieu d'attendre béatement l'heure du porno, Bill connait les sites qui dépassent les fuseaux horaires. Mais au-delà de cette liberté du plaisir solitaire, il utilise aussi ses mains pour s'informer dans des mines d'informations où tout est vérifiable, la quantité faisant foi à l'image de la majorité démocratique ! Bill peut aussi prendre son pied en étant un vrai contestataire en court-circuitant la logique commerciale. Et là où Bill surpasse totalement Brandon, c'est qu'il est le seul maître de son emploi du temps : il n'est soumis à aucune programmation comme on l'a dit, mais les notions de matin, repas, nuit, ... sont devenues totalement caduques.

Il est indubitable que le geek a su s'émanciper du petit écran et de la société par la même occasion, même avec des mensurations digne d'une Lolo Ferrari. Il est un Prométhée moderne, apportant le feu de la libération grâce à quelques clics bien placés dans la masse informe de l'information qu'il sculpte à son envie. L'ami Charly est à oublier, préférez un Bill.

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